Le chemin de la vie

J’ai 36 ans … Originaire de Rouyn-Noranda ….Aujourd’hui, je suis un sans emploi chronique, et un célibataire endurci, maintenu par un niveau « d’écoeurite aiguë », que je qualifierais sur le bord de la limite…
Et je le sais, car tout cela paraît dans mon attitude de tous les jours ou presque…

Je suis ici pour faire part de mon expérience de traumatisé crânien et tout ce qui s’en suit…

Jusqu’à l’âge de neuf ans tout mais vraiment tout allait bien… Dans les premiers à l’école, plein d’ami, et dans ce temps-là les filles me couraient après…

À partir de là, je me suis réveillé, dans un piètre état, dans un hôpital, à Montréal, après une bonne dizaine de jours de coma…

Je commence à reconnaître ma mère, ma tante au début… j’ai des pertes de mémoire appeurissantes, pour mon entourage bien sûr… Et puis je réapprends… C’est pas évident quand tu ne sais pas pourquoi, comment, et que tu te retrouves en chaise roulante pis tu ne comprends rien… À Ste-Justine, j’ai fait de la physiothérapie, de l’ergothérapie, j’étais suivi par un neurologue, un ophtamologiste et un O.R.L., de ce que je me souviens…

Je suis demeuré à Ste-Justine sept semaines … Quand j’y suis sorti, ça faisait même pas une semaine que je me tenais sur mes deux pattes et j’avais la « picotte »… Pour moi, la réaction de l’entourage était difficilement perceptible… Par contre en dedans de moi-même je savais que beaucoup et je dis beaucoup de choses avaient changé… j’étais jeune, donc pas nécessairement conscient de qui j’étais, et de ce qui m’était arrivé vraiment…

De la réadaptation je n’en ai pas eu vraiment à part de tout l’amour que j’ai pu recevoir de ma famille immédiate, c’est-à dire: mes parents, ma sœur et mon frère… Car je sais et je suis conscient que je n’ai pas été un cadeau à vivre, même aujourd’hui, ce qui se reflète sur mes amours, mes amitiés et mon intégration au niveau sociale… et beaucoup sur mon attitude…

Suite à l’accident, qui m’a fait manquer les deux derniers mois de ma quatrième année, je suis passé en cinquième, et par la suite je n’ai manqué aucune année de scolarité… À ce niveau, la scolarité j’ai vite repris le dessus… Aujourd’hui, il me manque un cours afin d’obtenir mon deuxième diplôme universitaire… Et après plus d’une dizaine d’années après mes premières études universitaires, j’ai de la difficulté, et quand je dis difficulté, c’est très et je dirais beaucoup à me trouver un emploi au minimum de toutes les inspirations que j’ai pu avoir et à maintenir cet emploi, donc ça fait emploi, chômage, emploi, chômage… Avec des études universitaires, financées par ma propre poche…

Mon statut de sans emploi, quasiment permanent ajouté avec mon statut de célibataire endurci, je dirais même gland ou glandinet me frustrent, me fâchent, me rendent colérique et même rageur… Très peu de ces sentiments ravageurs, je n’ai su exprimer pendant ma croissance, mon adolescence et même pendant les premières années de ma vie d’adulte… Je commence à peine à les exprimer avec les bons mots, donc à les ventiler…

Quand j’ai eu mon accident, ou comme je dirais quand je suis tombé, la réadaptation existait dans les grands hôpitaux, donc en région s’il en existait ce n’était pas connu…

J’ai eu mon accident en 1980, et 20 ans plus tard, je prenais connaissance des mots : réadaptation, traumatisme crânien, et celui dont je fus infligé, fut révélé sévère et du mot, celui qui me fait encore le plus de mal, limitation…

Que veux dire tout ça, quand tu as vécu dans le plus normal des mondes, et qu’un moment donné, 20 ans plus tard, tu commences à découvrir qui tu es, ben voyons….

Aujourd’hui, comme je dirais, je ne suis pas foutu de me vendre à une femme ou un employeur… Car depuis au moins les quinze dernières années, ces deux aspects de la vie sont demeurés mes principales priorités et je n’ai jamais su les satisfaire… Et aujourd’hui, je consulte à tour de bras afin de me sortir de ma petite torpeur…

Pour ma part, parce que c’est différent d’une personne à l’autre, les séquelles physiques que je vis et que je ressens sont la fatigue, un manque de dextérité, de coordination, parfois d’équilibre, et une certaine perte des sens, que je ne suis pas encore arrivé à mesurer adéquatement…

Les séquelles que je vis présentement et qui n’ont jamais été vraiment apparentes, sauf si tu as toujours été mon grand « chum », de l’ado à aujourd’hui. Et je dirais qu’il y en a une peut-être deux qui se situent plus au niveau cognitif et surtout affectif…

Au niveau cognitif, Il y a l’enregistrement, la lecture, la perception visuelle, la compréhension et la perception auditive qui se révèlent à être lents… Il ne faut pas oublier, ou plutôt, il faut savoir que j’ai eu cinq opérations dans les oreilles et deux dans les yeux et ce de dix à dix-huit ans…

Mes séquelles affectives, vont se situer principalement au niveau de la confiance et de la méfiance, niveau avec lequel je dois « dealer » avec une forte ambivalence, et je dirais très forte par moment…

La mémoire, celle à court et moyen terme, on en oublie tous des petites choses, sauf qu’un moment donné, tu te le fais dire, redire, et redire, répéter et…. Un moment donné je deviens irrité au pas possible donc… Dans mon cas je ne peux parler de réorganisation des tâches mais plutôt d’organisation et maintien des tâches…

Aujourd’hui, sans emploi, propriétaire d’un immeuble malgré un bilan régressif depuis les dix dernières années avec mon statut de célibataire endurci, gland, glandinet…

Mon entourage est constitué de ma famille, de quelques amis, qui m’ont toujours été fidèles, deux max, et de quelques connaissances avec qui j’entretiens du mieux possible une bonne relation…

L’aide professionnelle, je connais depuis cinq ans… Et le professionnalisme de l’aide peut parfois être qualifié de médiocre… Le qualificatif de professionnel c’est-à-dire qui m’apporte le minimum d’aide dont je ressens ou besoin et qui est pour moi constructif, trouvée depuis moins de trois mois, je la retrouve à travers le Pilier, et ce n’est pas pour les fleurs, et je la trouve aussi à travers le Centre Ressources Jeunesse…. Tous deux, lieux où je me sens pleinement écouter, et où je ressens que l’on prend vraiment en considération la personne que je suis…

Mes différences, qui sont difficilement perceptibles du commun des mortels, viennent parfois qu’à me hanter jusqu’à m’en faire des peurs qui viendront à être très douloureuses par moment…

Aujourd’hui, depuis deux trois semaines, je me sens de mieux en mieux, car je sens que les choses avancent tranquillement pas vite, malgré mon impatience qui devient de plus en plus énorme…

Mais faut pas lâcher, à ce qu’on dit…

Mon plus grand conseil que je puisse donner, faire preuve de compréhension, d’empathie et de compassion envers les personnes traumatisées crâniennes car elles en ont amplement besoin, et on n’use jamais trop de prudence afin d’éviter un accident qui peut s’avérer fatal ou changer une vie à tout jamais…