Hier encore j’avais 20 ans…..
Il y a 4 ans de cela, soit le 20 août 2013, j’ai eu un capotage qui allait changer ma vie à tout jamais. En effet, juste avant l’accident j’avais 20 ans, j’étais jeune étudiant en technique policière. Je rêvais de devenir policier et plus précisément de rentrer comme policier en intervention tactique. À cette fin je m’entraînais beaucoup – 2 heures par jours, 6 jours par semaine. J’avais louer un appartement avec une “gang” d’amis dans les résidences universitaires et je devais déménager à la mi-août pour enfin devenir complètement autonome. La vie, avec ses tours et détours a décidé que je prendrais un autre chemin.
Le 3 août 2013, alors que je revenais d’une rencontre familiale pour aller travailler comme “doorman” au Woods Pub ou j’étais employé depuis 3 mois. Alors que je roulais dans les limites de vitesse permise et que je n’étais pas en état d’ébriété, un orignal a coupé ma route et a fait capoter mon existence. Suite à la collision, mon auto a été projetée par-dessus le fossé, dans le bois. Il a fallu 10 minutes pour qu’un bon samaritain retrouve ma voiture qui n’était pas visible du chemin. Cet homme est resté avec moi. Il m’a longuement parlé et encouragé à rester conscient. Les ambulanciers et les pompiers ont ensuite pris la relève et travailler longtemps pour pouvoir me sortir de ma voiture. Il faut dire que le travail de désincarcération était difficile et minutieux, parce que ma tête s’est retrouvée coincée dans le toit de l’auto et qu’une partie de mon crâne avait éclaté.
Arrivée à l’hôpital de Rouyn, les médecins à l’urgence m’ont stabilisé et envoyé avec Valentine, -notre avion ambulance abitibienne- vers Montréal. Arrivée à l’hôpital Sacré-Cœur, ils m’ont plongé dans le coma artificiel et l’équipe a tout fait pour me sauver la vie. Selon les médecins, ma grande forme physique m’a permis de m’en sortir vivant. Vivant, mais pas pour autant sans séquelles. En effet, après deux longs mois d’hospitalisation, et un mois à l’Institut de Réadaptation, je reprenais le chemin de la maison et c’est là que j’ai découvert tout le défi que représente la vie après l’accident. Heureusement, j’ai été bien accompagné par l’équipe du CRLM qui m’a aidé à rester motivé et à accepter la réalité qui est maintenant la mienne.
Je vais vous parler un peu des séquelles pour que vous puissiez mieux comprendre. D’abord, il y a le handicap visible; celui que tout le monde remarque en me regardant. Je ne parle pas ici seulement des cicatrices qui ornent ma tête, mon front, mon nez, et mon cou, mais de la canne blanche qui m’accompagne maintenant pour aider mes yeux défaillants. Mon nerf optique droit ayant été atrophié, je ne vois plus de cet œil. Mon l’œil gauche voit environ 8 mètres sur une distance moyenne de 68 mètres. Ma déficience visuelle est permanente. Je me suis bien adapté à cette situation entre autres grâce à Martial et Rachel du CRLM qui m’ont aidé à apprendre à m’orienter et à adapter mon environnement à ma déficience visuel.
Il y a aussi le handicap invisible. Celui que vous ne voyez pas quand vous me regardez, mais que moi je ne peux pas perdre de vue. Au quotidien, ce sont les séquelles invisibles à votre œil qui font que ma vie a vraiment capoté. En effet, cognitivement, je me fatigue rapidement, je n’ai pas une grande capacité de concentration, je manque d’initiative et le sens de l’organisation semble souvent m’avoir quitté.
Aussi, je dois me surveiller, car j’ai tendance à être impulsif, à être prompt à réagir et à manquer d’inhibition. J’ai aussi une certaine tendance à faire des fixations sur des idées ou des éléments qui me dérangent et à me laisser envahir par ces fixations. Ah ! oui j’allais oublier : je souffre aussi d’un diabète insipide qui nécessite une prise de médication à vie. Voilà le tableau!
Une fois toutes ces difficultés énumérées, vous comprenez que ma vie a vraiment fait un 360. Plus question pour moi d’être policier et encore moins de faire partie de l’équipe tactique. J’ai tenté un retour aux études, mais je me suis rapidement rendu compte que mes séquelles sont vraiment trop handicapantes pour que je puisse suivre un parcours scolaire normal. Il en va de même avec le travail pour lequel je suis considéré inapte. Je vis maintenant avec mon père, ma belle-mère et ses 5 enfants. Grâces à eux (ils ont entre 4 et 12 ans) j’apprends la patience et à mieux contrôler mes réactions. Surtout, j’ai redécouvert que ma vie a un sens! Je sers d’exemple de résilience régulièrement et j’ai une super relation significative avec eux. Ils m’ont obligé à nommer mes handicaps, à les apprivoiser à les reconnaître comme faisant partie de ma vie.
L’accident ne m’a pas seulement changé moi, elle a aussi eu une incidence majeure pour mes proches. Mon frère, ma mère, mon père ont chacun eut à redécouvrir le nouvel homme que je suis et que je deviens au jour le jour. Vivre avec les forces et les faiblesses du nouveau Xavier, à la fois semblable et différent de celui d’avant n’est pas toujours facile pour eux. Mais je les remercie car ils sont encore et toujours là avec moi, pour moi. Mes amitiés se sont aussi réorganisées et se réorganisent encore. Des amis qui étaient importants n’ont pas réussi à apprivoiser le nouvel homme que je suis. Des deuils difficiles ont été faits et d’autres sont encore à faire. Mais aussi, il importe de le dire, de nouveaux amis sont entrés dans ma vie et ont pris une place importante. Merci à eux!
Pour m’accompagner dans cette réorganisation, moi et mes proches avons pu compter pendant 2 ans sur l’aide de l’équipe du CRLM. Grâce à eux, j’ai découvert qu’être inapte au travail et aux études n’est pas la fin de la vie active. Au contraire! Je suis productif, différemment. Je travaille deux jours par semaine à la ferme de mon cousin Mathieu, une journée à la Coopérative de solidarité de mon village, je poursuis l’entraînement au “Cross Fit”, 2 jours semaines et je suis impliqué dans le comité des loisirs de mon village. Ces activités routinières sont importantes pour mon équilibre psychique et mentale, mais surtout elles m’aident à rester structurer et à me sentir utile.
Le Pilier est un élément majeur de ma routine qui me permet de rester en vie et de trouver un sens à la vie. Les interventions de Nathalie, mon intervenante, m’aident souvent à relativiser et à normaliser mes difficultés. Mais surtout, j’ai trouvé au Pilier des gens, jeunes et moins jeunes qui sont confrontés à des difficultés qui ressemblent aux miennes. Grâce à eux, je découvre de nouveaux trucs, je me sens plus à l’aise avec moi et j’apprends à rire de mes difficultés et a moins “tocquer” sur le négatif. En reconnaissant mes limites, mes forces j’arrive à mener une vie agréable qui a du sens pour moi et les autres. Comme je le dis souvent, je n’ai plus vingt ans. Un accident comme le mien ça change une vie et ça fait vieillir trop vite. Mais tant que le rire continue, la vie continue.